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vendredi 13 septembre 2013

Se déplacer

En France, du moins à Poitiers, mais je suppose qu'on est un peu tous pareils, nous les Français, on sait comment on se déplace. La plupart du temps, c'est la voiture. Le bus et le métro, c'est pour les grandes villes. A Poitiers, donc, c'est la voiture qu'on préfère. Toutefois, il faut bien remarquer le comportement que l'on adopte au volant de sa voiture. Au feu rouge, on peste contre ceux qui n'avancent pas. Au rond-point, on s'énerve contre les gens qui ne mettent pas leur clignotant. Sur l'autoroute, on râle pendant les embouteillages, on dit des gros mots des gens qui roulent à plus de 160, on observe avec une curiosité mal placée les accidents. D'une manière générale, la voiture nous oppose tous les uns les autres car on ne trouve de plaisir à conduire en voiture que lorsqu'on est seuls sur la route. Mais même pour une petite ville comme Poitiers, c'est impossible.
Les Chinois voient les moyens de transport d'une autre façon. Nankin compte huit millions d'habitants. C'est une petite ville. Tous les matins je marche quelques vingt minutes pour aller à la fac. Tous les matins je pars à l'heure de pointe. Je n'ai jamais vu d'embouteillage. Il y a certes des voitures, et il faut négocier avec les scooters et les vélos, mais je n'ai jamais vu de rue totalement bloquée par la circulation, je n'ai jamais traversé en slalomant entre les voitures arrêtées. Les Chinois préfèrent à la voiture les scooters, les solex, les vélos, le bus et le métro. La voiture est une marque de luxe, d'ailleurs, la plupart d'entre elles ont des vitres teintées ; on ne voit rien de ce qui se passe dedans. C'est aussi pour cette raison que toutes les voitures sont toujours propres et assez chères. Je pourrais compter sur les doigts d'une main les cagots comme on peut en voir sur les parkings d'universités en France. Avoir une voiture c'est avoir une voiture chère et belle. Les Chinois aiment beaucoup les apparences. Quand ils n'ont pas les moyens d'avoir quelque chose d'aussi cher, ils se déplacent en scooters et autres petits appareils, à pied, en bus, en métro. Je trouve cela beaucoup plus ouvert, et je préfèrerais mieux me déplacer comme eux plutôt qu'en voiture. Quand on croise un scooter, on croise des gens. Quand on voit une dame avec un petit enfant, son cartable sur le dos, on sait où ils vont. Quand on voit deux jeunes, un gars et une fille, sur un même vélo, on ne peut pas trop se tromper sur leur relation. Quand on croise un ami en scooter, il s'arrête pour causer. Le plus étrange, je crois, à propos de ces scooters, c'est que beaucoup d'entre eux sont électriques (70% peut-être !) ce qui fait que c'est plutôt leur façon de conduire qui est bruyante, pas tellement l'appareil en lui-même. La nuit, ils peuvent se déplacer, ils ne font pas de bruit... A propos de leur façon de conduire, il faut également signaler à quel point ça n'a rien à voir avec la façon de faire des Français. Le code de la route est à peu près inexistant. XueYing nous a dit qu'elle avait passé son permis, mais que comme elle n'avait pas beaucoup conduit, elle avait oublié comment démarrer la voiture, qu'elle réviserait à Paris (où elle va étudier cette année) et qu'elle apprendrait là-bas à faire les créneaux. En gros, le permis chinois c'est apprendre à faire rouler la voiture. Du matin au soir les Chinois utilisent donc leur klaxon pour dire "j'arrive, bouge-toi !". Ils ne voient pas ça du tout comme enfreindre une règle que de passer au feu rouge, de rouler sur un trottoir, en sens inverse... Toutefois, je trouve que le passage se négocie aussi bien comme ça qu'en France, voire même mieux. Ne me parlez pas de chiffres, qui sait comment ils sont récoltés... Bien sûr qu'il faut être prudents mais une voiture qui a tort s'arrêtera, parce qu'elle sait qu'elle passe en force. Philosophie chinoise...
Résultat, pas de parkings immenses en Chine ; de grands trottoirs où logent plus d'une centaine de vélos et de scooters, serrés les uns contre les autres. Avoir une voiture, ce n'est pas la norme. C'est pour ça que les parkings pour les voitures sont presque inexistants et qu'elles se garent n'importe où, mal la plupart du temps (je vous renvoie à l'article précédent avec la photo de la vue de ma fenêtre). Les Chinois ne se séparent pas par cette coque de fer. Ils supportent vents et marées, honnêtement, avec les autres.

Pour revenir à la comparaison avec Poitiers, les Chinois ne prient pas pour tomber sur une heure creuse, pour avoir la chance de passer vite ou ce genre de choses, mais ils préfèrent les petits moyens de transports, ils se supportent les uns les autres et se fâchent rarement pour des questions aussi bêtes que les nôtres. Les Chinois sont moins polis que les Français, c'est un fait. Mais ça leur permet d'être plus honnêtes. Je préfère me déplacer dans Nankin plutôt que de me déplacer dans Poitiers, ou même dans Paris.

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