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mercredi 30 octobre 2013

我与我们

L'autre jour, en cours, notre professeur nous dit "mais pourquoi vous utilisez toujours "mon" pour "mon pays, ma ville, ma langue, mon université" ? Ces choses ne vous appartiennent pas en propre, elles sont à "nous" !" Je crois que la première remarque, la plus facile, qu'on pourrait faire sur cette phrase est "mais elle est communiste, donc c'est normal !" Pas tout à fait. Quand on dit "nous" en Chine, est-ce qu'on est vraiment communiste ? ou est-ce que c'est dans les mœurs ?

Le communisme en Chine (c'est un sujet qui mérite un livre), actuellement, est bien dilué. Vous vous souvenez de la photo tradition/modernité que j'ai publié dans l'article sur ma promenade au lac ? Et bien le communisme chinois, c'est ça : un KFC à côté des lampions rouges. Ne nous voilons pas la face, même si le gouvernement ne veut rien lâcher, la Chine se capitalise. Mais la façon dont on parle de cette transformation reste plutôt sous-entendue, ou dans des conversations informelles. Tout haut, il faut parler de socialisme (tiens ? pourquoi est-ce que ça me dit quelque chose... ?) Ainsi, les jeunes vont à H&M, boivent des cafés au Starbuck et collectionnent les coques de portables plus fantaisistes les unes que les autres. Pas de réelle intervention du communisme, donc, dans la séparation de "moi" et de "nous".
En se promenant dans la rue et en faisant attention, on peut remarquer que les Chinois ne sont pas très originaux : la plupart s'habillent de façon normale (pantalon, chemise), et lorsqu'ils veulent faire les extravagants, ils s'habillent en rose, en jaune fluo, ils sortent les pics etc. mais ils se teignent rarement les cheveux, et les piercings sont étrangers à leur mode de vie. Les boucles d'oreilles que toutes les filles portent en France sont un piercing en Chine. J'ai une amie qui a un piercing sous la lèvre inférieure et un dans la nuque, à la racine des cheveux (je ne sais pas si j'explique très bien...) Plusieurs fois, des Chinois sont restés interloqués devant ses piercings. D'ordinaire, quand ils sont curieux, les Chinois nous demandent d'où nous venons, depuis combien de temps on étudie le chinois etc. Avec elle, c'est plutôt "est-ce que ça fait mal ? comment tu t'as fait ? pourquoi tu t'es fait ça ?" (sans blague !) Modifier son apparence physique dans son corps lui-même est assez mal vu parce qu'on porte atteinte au corps que nos parents nous ont donné. Puisqu'on est pas à l'origine de notre propre existence, il faut respecter le corps qu'on nous donne. Donc, à l'origine même, les Chinois ne considèrent pas leur corps de la façon égocentrique dont nous nous le considérons. En France, mon corps, c'est mon corps, et les Français vont beaucoup plus loin que les Chinois en utilisant ce prétexte pour faire des choses sans l'accord de leurs parents. En Chine, cette chose, dont je serais en droit de dire qu'elle est exclusivement mienne, n'est justement pas exclusivement mienne.

Donc, si mon corps n'est pas tout à fait mon corps, pourquoi est-ce que l'université serait mon université ? pourquoi est-ce que mon pays serait seulement mon pays ? Je ne suis seule ni dans mon université, ni dans mon pays, alors je ne peux pas dire que ces choses sont "à moi". Elles sont "à nous".

samedi 19 octobre 2013

上课


Ça faisait un bon moment que je voulais parler des cours en Chine, très différents des cours français. Je voulais aussi vous parler de la notion de colonialisme, mais c'est assez dur à expliquer. Mardi dernier, les Chinois m'ont dit que Le Clézio venait donner le jeudi suivant un cours à la faculté de Nankin (rien que ça). Sans savoir, le dernier prix Nobel français allait me donner la matière de cet article. 
Il était évident que j'allais en parler : je suis étudiante en littérature et, qui plus est, ma professeur de français en seconde, au lycée, nous avait fait lire deux de ses livres, que j'avais bien aimé. Pour moi, c'était la première grande rencontre avec un écrivain, un vrai, une célébrité et pas n'importe lequel. Autant vous dire que l'attente a été longue, même s'il n'y avait que deux jours. Je ne pensais pas alors que j'aurai de quoi écrire. Je me disais que j'écrirai juste, fièrement, que j'ai assisté au cours d'un prix Nobel de littérature.
Je suis donc allée au cours donné par Le Clézio, à une heure de mon domicile, de 18h30 à 20h30. Je suis partie à 16h45 pour être sûre d'être en avance et d'avoir une place assise. Bien évidemment, quand je suis arrivée, elles étaient toutes prises. Il aurait fallu arriver avant 17h dans la salle. J'ai fait le tour des autres salles de cours avec une amie chinoise pour trouver des chaises, mais il n'y en avait plus : le seul cours de Le Clézio avait vidé la faculté de toutes ses chaises. Nous nous sommes donc assises sur les marches de l'estrade. Et nous avons attendu l'arrivée de ce grand homme.
La salle était comble, il y avait peut-être deux cents étudiants chinois (ce qui est énorme en Chine : des amphithéâtres tels que ceux de la faculté de médecine n'existent pas à Nankin : tout au plus ce sont des salles de cinquante places), assis à une table ou sagement postés dans les allées à droite et à gauche, mais toujours en laissant un espace libre pour circuler. C'était assez impressionnant. Pareille organisation chez des étudiants français, je n'en n'ai jamais vue.
Prenons le temps de parler des Chinois avant de parler du Français. Pour beaucoup, ils étaient venus voir le prix Nobel de littérature, pas spécialement Le Clézio. Je pense également que la notion "d'étranger" devait entrer en ligne de compte. Je vous ai déjà dit la curiosité des Chinois à notre égard (elle ne faiblira pas, je crois : l'autre jour, un inconnu sur un vélo nous a salué joyeusement en passant avec un "Good morning !", étonné de notre étrangeté) : elle devait être doublée ce soir-là. On repérait les étudiants qui étaient venus spécialement pour le voir lui, car ils avaient des appareils photos énormes et rien pour prendre des notes. Bien évidemment, ils avaient les places avec une table. Nombreuses étaient les étudiantes chinoises qui prenaient des photos avec leurs portables. Le plus gros cliché, je crois, fut celui d'une étudiante qui avait un étui de portable avec comme fond la tour Eiffel...
Pour ma part, c'était la curiosité du savoir d'un prix Nobel qui m'avait fait venir. Je me disais : qui de mieux placé pour donner un cours ? Je savais qu'il allait parler d'art, mais je pensais aussi qu'il y aurait quand même des liens avec la littérature. De toute façon, il me semblait que ce serait utile.
Il est donc arrivé. D'abord, c'était le photographe (pour un journal ? je n'en sais rien), qui a fait des photos de la salle. Ensuite, je crois, il y avait tellement de monde que je ne voyais plus très bien l'estrade (même si j'étais assise sur les marches), arrivèrent une étudiante chinoise, sûrement son assistante, un homme en cravate et le-dit prix Nobel, sa femme et un ami chinois.
C'est un Chinois qui a fait sa présentation : où il est né, blablabla... A un moment, il a dit qu'il était venu avec sa femme : tous les Chinois se sont levés, surpris, émerveillés, pour voir la femme de Le Clézio (celle-ci sortit de cette torpeur qu'on a tous quand on suit une conversation dans une langue qu'on ne comprend pas et leva des yeux étonnés : "mais pourquoi me regardent-ils comment ça ?"). Comme j'étais sur les marches de l'estrade, je les ai tous vu faire, et c'était assez drôle de voir tous ces étudiants se lever d'un coup, avec un grand "Oohh !", pour voir une femme. L'ami de l'écrivain était lui-même un écrivain chinois, apparemment assez connu, du moins pour les Chinois (mais ils ne se sont pas levés pour le voir, c'est l'auteur qui s'est levé). Ceux-ci m'avaient demandé auparavant si Le Clézio était populaire en France, corrigez-moi si j'ai mal répondu : connu, oui, populaire, non.
Enfin, après cette présentation il a commencé à parler. Le Clézio a commencé à parler. Ces deux premiers mots furent un 你好 pitoyable, sûrement appris deux minutes avant le début du cours, un bout de conscience lui rappelant que lorsqu'on enseigne dans un pays étranger, on apprend la langue du pays. Il a fait le reste de son cours dans un anglais trop français pour ne pas être ridicule : même un élève de troisième a un meilleur accent que lui. Qu'on ne s'étonne pas de notre réputation de mauvais élèves en langues vivantes : il incarnait le meilleur exemple de cet accent tout pourri. On aurait presque pu faire un sketch.

En ce qui concerne le colonialisme : Le Clézio était un parfait exemple de colonialiste. Un colonialiste est un étranger qui, en Chine, refuse toute adaptation à la culture chinoise et qui croit que, parce qu'il est étranger, sa culture vaut partout et qu'il peut l'emmener et l'imposer en Chine. Et bien Le Clézio est un colonialiste. Il a laissé un Chinois faire la présentation de sa propre vie. Il avait une chinoise pour l'aider à utiliser l'ordinateur chinois. Il ne parlait pas la langue (même pas un mot), et spécialement mal l'anglais (il a essayé de prononcer à l'anglaise des mots français, juste pour se donner l'accent...) et la façon dont il a donné son cours montrait totalement le décalage culturel entre le professeur et ses étudiants.
La façon dont se déroule un cours en Chine est très différente de celle d'en France. En France, on arrive, on dit bonjour au professeur, on s'assoit, et on se tait pendant la durée du cours : il s'agit d'écrire le plus de choses. En Chine, on attend surtout des étudiants qu'ils soient attentifs, donc la plupart du temps, ils n'écrivent pas beaucoup. Par ailleurs, les étudiants sont plus proches de leurs profs que les Français : aussi, les profs s'amusent à faire des blagues pendant les cours, ou bien ils parlent deux minutes de leurs week-end, de leurs vacances etc. Parfois même, quand les étudiants ne sont pas trop nombreux, les professeurs les invitent à dîner (si ça vous est déjà arrivé en France, moi, jamais). Le poids social pèse beaucoup moins entre les professeurs et les étudiants : les uns sont là pour enseigner, les autres pour étudier : autant que ça se passe dans une bonne entente. Les étudiants chinois s'attendaient donc à ce genre d'ambiance. Le Clézio, lui, donnait un cours comme on peut en donner en France : timidement, rapidement, discrètement. Le décalage était tel qu'il a même perdu les étudiants qui étaient venus pour le voir lui. Avant même qu'une heure soit passée, des Chinois sortaient de la salle. En Chine, c'est spécialement malpoli. Normalement, on attend au moins la pause entre les deux heures (car on fait toujours une pause entre deux heures, même si elle est plus ou moins longue). Le Clézio n'a pas fait de pause : les Chinois lui ont extorqué une quand il a fait écrire les devoirs de la semaine suivante par son assistante chinoise (et elle écrivait en anglais !). Tout le monde s'est mis à parler et lui a perdu cinq minutes, nous, on a fait une pause. Il a fait circuler une bibliographie (ce que je n'ai jamais vu dans les cours chinois que je suis) et qui plus est, une bibliographie de livres français : peut-on s'attendre à ce qu'ils aient tous été traduits ? et peut-on les trouver à la bibliothèque de l'université ? rien de moins sûr.
Il est arrivé en retard et a fini avec une demi-heure d'avance. Il a cru avoir un public européen : aussi ne comprenait-il pas le rire des étudiants lorsqu'il montrait des portraits égyptiens "réalistes". En France, ça n'aurait choqué personne. Les Chinois sont assez bons observateurs pour remarquer qu'un portrait "réaliste" égyptien datant d'il y a plus de deux mille ans n'est pas réaliste ; un professeur chinois aurait sauté sur l'occasion pour faire une blague.

Quand j'ai décidé d'aller à Nankin, je ne pensais pas qu'un prix Nobel de littérature irait y donner un cours. Quand je l'ai su, j'ai pensé que ce cours serait magistral. On dirait bien que ce sont toujours nos plus grandes attentes qui provoquent nos plus grandes déceptions.

mardi 8 octobre 2013

Coutumes et habitudes

Quand je parle de la France aux Chinois, je dis "les Français ont l'habitude" et quand les Chinois me parlent de la Chine ils me disent "les Chinois ont coutume". Mais, dans la vie de tous les jours, qu'est-ce que ça change, coutume ou habitude ?
Les Français ont l'habitude de manger en regardant le journal télévisé. Les Français ont l'habitude de dire "bonjour, s'il vous plaît, merci, au revoir". Les Français ont l'habitude de dormir sur des matelas. Les Français ont l'habitude de se disputer pour payer l'addition.
Les Chinois ont coutume de manger des gâteaux de lune pendant la fête de la lune. Les Chinois ont coutume de rentrer chez eux pour les vacances de la fête nationale. Les Chinois ont coutume, lorsqu'ils mangent avec des amis, de mettre les plats au centre et de tout partager.
La liste n'est pas exhaustive. Je suppose que beaucoup de Français pourraient m'objecter que "c'est pas le cas ici", "chez nous on fait différemment" et c'est sûrement à cause de ces différences qu'ils disent "avoir l'habitude" parce qu'une habitude est individuelle, elle n'inclue pas le reste des Français dans ce que nous, personnellement, on a l'habitude de faire. Les Français se voient comme une entité individuelle ; ils ne se sentent pas suffisamment Français pour pouvoir dire "Nous, les Français". Moi-même j'utilise rarement cette formulation et quand les Chinois me posent des questions sur la France, souvent il y a des "ça dépend" dans ma réponse, mauvaise habitude.
Les Chinois pensent pouvoir déduire de leur comportement le comportement de la plupart des Chinois et c'est pour ça qu'ils sont moins embêtés que nous lorsqu'ils disent "avoir coutume". Ils pourraient tout aussi bien dire "avoir l'habitude" d'autant plus que la Chine est quand même composée de beaucoup de minorités, qui pourraient toutes avoir des coutumes et des habitudes différentes.
Mais qu'est-ce que ça change dans la vie de tous les jours, ces histoires de coutumes et d'habitudes ?
Les Chinois ont l'habitude de laisser les places assises aux vieillards, aux enfants et à leur compagne. Les Chinois ont l'habitude de dormir sur des sommiers, sans matelas. Les Chinois ont l'habitude d'inviter leurs amis au restaurant. Les Chinois ont l'habitude de mieux laver leur voiture que leur intérieur.
Les Français ont coutume de faire des photos de mariage avec tous les invités présents lors des noces. Les Français ont coutume de passer Noël en famille. Les Français ont coutume d'aller voir un feu d'artifice le jour de la fête nationale. Les Français ont coutume de manger du chocolat à Pâques. Les Français ont coutume de se disputer pour payer l'addition.
Est-ce que nos habitudes en sont vraiment ? Et est-ce que les coutumes ne rapprochent pas plus que les habitudes ?

dimanche 6 octobre 2013

Une ballade

  L'autre jour, nous sommes allés nous balader au parc qu'il y a à côté de chez nous. Grande chance, il faisait un temps magnifique, c'est-à-dire ni trop chaud ni trop froid. On devait aller se promener dans le parc, visiter le temple Jiming et aller voir les remparts, mais on a surtout beaucoup causé. Voici quelques photos de cette journée. 


 C'est le lac du parc Xuanwu. Il est vraiment gigantesque. Les Chinois ont l'air de beaucoup aimer faire du pédalo sur le lac.

C'est un trou de verdure où chante une rivière...  Les rubans rouges sont des voeux accrochés aux arbres autour des lieu sacrés (dans notre cas un mémorial). En contre-bas, il y a une petite rivière qui coule doucement. C'est vraiment charmant.
C'est la déesse des lotus, je crois... C'est Mélanie et Alicia qui ont déjà mis une photo de la même statue sur leur blog. En été, la statue doit être entourée de fleurs de lotus, ça doit être magnifique...

 C'est joli, non ? On peut chercher la signification symbolique de tout ça, moi je trouve juste ça joli. L'herbe pousse sur les éléphants, on dirait qu'ils sont aussi vieux que le monde alors que les petits enfants sur leurs dos ont la fraîcheur de la jeunesse...
Ce ne sont pas les plus petits arbres qui portent le moindre d'espérance.

J'aime beaucoup la notion de gravité dans ce petit bonzaï. C'était une exposition à l'intérieur du parc, de bonzaï. Ceux que je vous montre étaient à l'intérieur, et vraiment petits, mais d'autres étaient à l'extérieur, beaucoup plus grands. 
On s'est baladés en forêt...

Ah non ! Encore un bonzaï ^^
Cette photo est vraiment sale, je m'excuse sincèrement... Mais je tiens à vous la montrer quand même parce qu'elle reflète vraiment bien l'état d'esprit de la Chine à l'heure actuelle (personnellement, ça me fait penser à un autre pays asiatique, m'enfin, ils sont totalement différents...) : on voit (enfin j'espère qu'on voit) la porte ancienne à gauche, avec les lampions rouges, et à droite, le KFC. Modernité et traditionalisme.

Ce sont des figures de miel : un dragon en haut, des papillons sur les côtés et un panier en bas. C'est très beau... personnellement, je n'en n'ai pas acheté parce que ça m'aurait fait trop mal au coeur de manger quelque chose d'aussi joli... Et je viens juste de remarquer la jeune fille aux oreilles de lapin à droite : en Chine on dirait : c'est vraiment trop mignon ! <3
C'est la tour du temple Jiming. On a pas pu y monter parce qu'il était trop tard, mais on a quand même pu faire brûler de l'encens pour faire un voeu. La tour s'élève au-dessus des remparts du parc et elle fait contraste, au milieu de tous les gratte-ciels...

C'est l'entrée du temple ! Beaucoup de Chinois sont venus pour faire des photos devant. Vous noterez également qu'à gauche du couple qui est assis, c'est une peluche géante qu'ils ont du gagner à une fête foraine. Encore une fois : c'est vraiment trop mignoonnn.... :'-)






mercredi 2 octobre 2013

La politesse (2)

Cette histoire de politesse, ça m'obsède un peu quand même, pour être tout à fait franche. En France, c'est vraiment très important. Je ne sais pas si je suis la seule à avoir été marquée par les centaines de façons de dire bonjour, de montrer qu'on est poli, bien élevé, par ces formules de politesses si difficiles à trouver pour terminer une lettre de motivation ou tout autre courrier administratif... Je ne peux pas dire que j'en ai été traumatisée, mais tout de même, la politesse est quelque chose qui pèse très fort sur le comportement qu'on a en France. Depuis que je suis en Chine, souvent je me dis "heureusement que je me formalise moins que la plupart des Français." Si je respectais la politesse française à la lettre, je serais devenue folle depuis longtemps.
C'est à travers la langue, surtout, que la politesse est beaucoup moins marquée qu'en France. Je trouve qu'apprendre le chinois quand on est Français, c'est beaucoup moins dur que d'apprendre le français quand on est Chinois. Quand on apprend le chinois, on commence par ces dialogues passionnants sur "comment tu t'appelles, où est-ce que tu habites, qui sont tes amis" etc. En français, ce genre de dialogues ne s'appliquent qu'aux discussions entre amis : les professeurs sont souvent beaucoup plus polis, certains vouvoient leurs élèves, il faut se méfier des inconnus qui nous posent ce genre de questions dans la rue, justement parce que la politesse française nous invite à nous méfier... Bref, ce genre de dialogue ne s'utilise pas dans tous les cas de figure qu'un étranger peut rencontrer. Une fois les mots de vocabulaire simples appris, il faut qu'il apprenne les mots du style plus soutenu et qu'on utilise beaucoup plus qu'on ne veut bien le croire. Je m'en aperçois maintenant que je suis en Chine, parce qu'en Chine, un mot appris est un mot appris. Les Chinois distinguent langue écrite et langue parlée, mais c'est tout. Il n'y a pas de niveau de langue, comme en français (vulgaire, courant, soutenu). J'ai entendu des professeurs utiliser des expressions qu'on a étudiées dans des textes beaucoup plus relâchés que le contexte d'un cours. De la même manière, en chinois, il y a quelque chose qui ressemble à un "vous", mais il est employé de façon beaucoup moins naturelle que le vous français. Pour le moment, je ne l'ai entendu que de la bouche de la voix dans le métro qui invite les gens à descendre du train et à faire attention à la marche. Les étudiants appellent leur professeur "professeur" mais ils ne les vouvoient pas. De la même manière, les professeurs tutoient tous leurs étudiants.
On sent bien que les Chinois sont très mal à l'aise avec la politesse française. Comme je suis la seule française du cours de littérature, et aussi parce qu'un des étudiants nous aide, moi et ma coloc', à communiquer avec notre propriétaire, j'échange des coups de pouce en chinois contre des coups de pouce en français. C'est très étrange, au début, lorsqu'un des étudiants qui va dans le même cours que vous (même s'il est plus vieux de deux ou trois ans) vous vouvoie. Au début, j'ai pensé qu'il ne m'appréciait pas, mais il a fallut l'admettre le jour où, à une demi-heure d'intervalle, il m'a vouvoyé puis tutoyé : ils ne savent pas comment utiliser le vous et le tu. Par la suite, j'ai envoyé un mail pour expliquer un mot de vocabulaire : l'une des étudiantes m'a répondu en me vouvoyant également. Toujours dans les formules de politesses, à chaque fois qu'on se sépare à la fin du cours, ils me font tous beaucoup rire car ils multiplient de manière assez ridicule pour des Chinois (qui se disent juste au revoir entre eux et basta) : bonne journée, bonne après-midi, bonnes vacances (oui, cette semaine, je suis en vacances)... Alors que pour moi, la chose principale avec laquelle les Français se disent bonjour ou au revoir, c'est la bise, pas spécialement toutes ces formules. Mais peut-être est-ce que je trouve cela étrange parce que je les partage avec des Chinois et pas avec des Français... D'une manière générale, je trouve qu'ils se forcent pour ce genre de choses juste pour me faire plaisir, ce qui est très mignon, mais tout à fait artificiel de leur part.
C'est donc très étrange de se faire tutoyer par un professeur (ça ne m'était pas arrivé depuis le collège) et très très appréciable de voir que le vocabulaire que j'apprends, je pourrai l'utiliser avec n'importe qui. Parfois, j'ai l'impression que la politesse française empêche plus de choses qu'elle n'en prévient. Mais c'est ce qui fait que je suis Française, et qu'eux sont Chinois !